mardi 5 août 2008

Vivre sur l'île de Margarita


En définitive, il est très facile de vivre à Margarita. Du moins en apparence. Car si les gens comme le mode de vie sont plutôt relax, les problèmes n'apparaissent que bien plus tard. Il n'est pas question, ici, de prétendre à la science infuse (contrairement aux allégations gratuites de certaines personnes, qui, elles, ont tout à vendre et donc tout intérêt à ne présenter que le beau côté du décor), mais force est de reconnaître que certaines vérités sur la vie locale sont bien peu publiées sur le Web, où les sites à but commercial et les blogs gentillets trustent les serveurs. C'est bien dommage et surtout ça fausse le jugement des gens qui vont venir habiter l'île sur les bons conseils des précédents cités. Pourtant, on ne compte plus les rêveurs qui sont venus s'installer à Margarita et qui sont repartis la queue entre les jambes, parfois en ayant tout perdu. Et la principale cause de ces méchantes désillusions, il faut le dire, est que ces gens ont été mal informés, soit par de réels escrocs soit par des inconscients qui croyaient certainement bien faire en dissimulant les côtés les plus pénibles de la vie margaritegnotte.

Bien sûr, les Vénézuéliens, avec leur sens de l'honneur mal placé mais à fleur de peau, ne peuvent que tomber d'une crise d'apoplexie lorsqu'ils lisent noir sur blanc certaines vérités sur leur beau pays – après tout, au Venezuela, si l'on en croit les autochtones, chacun est muy responsable... faut quand même l'entendre de la bouche d'un Venez pour y croire! Mais les étrangers... sont-ils si benêts qu'ils croient qu'à leur arrivée ici il n'y aura plus qu'à s'acheter une jolie maison, se dorer la pilule sur la plage en contemplant les merveilleux culs rebondis de ces dames et les non-moins fabuleux couchers de soleil ? Dans ce cas, c'est bien triste pour eux, mais viendra indéniablement un jour où ils prendront la réalité dans les dents, et là, faudra pas venir pleurer que c'est tous des méchants et des profiteurs...

Comme on s'en doute, et comme partout, la première approche du pays est la plus facile, à l'heure où le frais expatrié vit encore sur ses illusions et n'a pas encore été réellement confronté aux difficultés locales. Ensuite, après une première année où il a généralement commencé à se frotter aux pénuries alimentaires, aux coupures de courant, au rationnement de la flotte, aux services inexistants, aux administrations inefficaces, aux cliniques surbondées et sans rendez-vous, aux constructeurs incompétents, au climat insoutenable, aux comptables véreux, aux avocats menteurs, aux autochtones profiteurs, aux flics racketteurs, aux voyous sans cesse aux aguets, aux étrangers arnaqueurs, aux mécaniciens branleurs, aux condominios chamailleurs, aux voisins hurleurs, aux véhicules pollueurs, aux taxis tricheurs, on en passe et des meilleures, alors là, oui, il commence à se demander si le jeu en vaut vraiment la chandelle. 

Quotidien:
Bien sûr, la vie peut être très belle à Margarita. Comme partout, avec de l'argent, il y a le soleil et la mer en plus... Chacun peut y faire son trou, avec un minimum d'investissement, beaucoup de chance et pas trop de galères. Mais il faut savoir que rares seront les élus. Prétendre, comme le font certains (pour ne pas effrayer le futur client), qu'il y a plus d'arrivées d'expatriés dans l'île que de départs est totalement faux. Simplement, il faut prendre un peu de recul pour s'en apercevoir. Sur deux ou trois ans, sur cinq ans, combien sont encore là?
Prenons les quelques blogueurs francophones les plus actifs au Venezuela et observons: à une exception près (le crucifix québécois, qui n'est d'ailleurs pas dans l'île), tous ne sont ici que depuis deux ou trois ans, quand ce n'est pas moins. Revenons voir dans quelque temps pour contempler les dégâts... Certains sont restés ici 15 ans, voire 20 ou plus, parce qu'ils n'avaient plus la possibilité de partir ou qu'ils voulaient rester pour une raison ou une autre (profession, famille, retraite, etc.), mais de toute façon, combien sont-ils aujourd'hui? Une petite poignée répartis dans tout l'île, pas plus. Si la migration était si exponentielle que ça, il y aurait 2000 expatriés français de 20 ans dans l'île, et non pas seulement une petite dizaine !

En outre, à nouveau méfiez-vous des allégations commerciales des partisans du système de l'autruche: par exemple, d'après eux, il suffirait d'un peu de sucre planqué dans un placard pour faire dignement face aux pénuries alimentaires ??? Eh ben ça doit pas faire longtemps qu'ils vivent sur l'île, ces zozos-là... Le lait a manqué durant toute l'année dernière, ainsi que le PQ, avant ça c'était l'huile, ou le sucre, ou le sel, ou la farine, ou le café, puis le riz, les pâtes, la viande, le poulet, parfois le tout en même temps et pour des durées variables allant de quelques semaines au mieux à quelques mois. La chose est chronique, récurrente et ingérable. Et puis non, ce n'est pas parce que nous sommes dans une île que nous souffrons continuellement d'un manque parfois cruel d'approvisionnement, mais seulement, encore et toujours, parce que le laxisme des autochtones est tel qu'il paralyse tout ce qu'il touche. Préférez largement la vision de cet autre visiteur, qui, pourtant n'a pas eu besoin de passer 50 ans dans le pays pour voir la réalité telle qu'elle est!
Quant à l'explication de Chavez, qui prétend que les pénuries sont dues aux manquements du secteur privé, elle est totalement fausse, puisque même dans les Mercal, les magasins approvisionnés en parallèle par le système chaviste, les manques sont identiques...

Population:
Les Vénézuéliens sont gentils, on l'a déjà dit. Ils sont aussi opportunistes et branleurs, voleurs et menteurs, irresponsables et bruyants, comme il est littéralement impossible de l'imaginer pour un Européen standard. Si personne n'est parfait – parlons donc de nous: sales, impolis, bidouilleurs et mesquins – il faut toutefois reconnaître que le mode de vie d'un Latino-américain, d'un Vénézuélien en particulier et d'un Margariteño a fortiori, est aux antipodes de celui d'un Français ou d'un Allemand. Ce n'est pas un jugement, c'est un constat. Dès lors, il faut savoir où l'on met les pieds et toute la difficulté est là... Vivre au jour le jour, comme on dit vulgairement, entraîne des conséquences insoupçonnables lorsqu'on n'y a pas été habitués: irresponsabilité, inconséquence, je-m'en-foutisme, etc. Vu de l'extérieur, c'est exotique et presque rigolo... De l'intérieur, en revanche, c'est le stress garanti, tant tout devient impossible ou problématique. 
Essayer de prévoir, d'anticiper, de prévenir ou de simplement s'organiser dans un pays où le système est entièrement tourné dans l'instant présent, assure des ulcères gangréneux pour le restant de ses jours à tout Européen normalement constitué. Celui qui ne le sait pas encore l'apprendra tôt ou tard. Bon, allez, encore un petit lien sur le gars qu'a tout compris en pas longtemps... ça vaut quand même le détour!

Tiens, un jour que Dieu était en pleine création du monde et s'affairait autour du Venezuela, le bon Saint-Pierre vient à passer par là et lui dit:
- Dis donc, croyez pas que vous exagérez un peu, là?
- Comment ça ? lui répondit Dieu.
- Ben oui, regardez-moi ça... Y en a que pour ce coin, là. Vous pouvez quand même pas tout mettre au même endroit !
- Mais si, tu verras, ça va aller.
- Non mais quand même, c'est pas croyable ! Répondit Saint-Pierre. La mer, les montagnes, le soleil, la forêt, les fleuves, la faune, la flore... sans parler de l'or, du pétrole, de l'argent, de l'asphalte, du gaz... Bordel, y vont tout pouvoir faire, avec ça, ce sera les maîtres du monde en moins de deux! 
- Oui, d'accord, mais tu n'as pas encore vu les mecs que je vais y mettre...

Travail:
Pour schématiser, tout étranger qui s'installe à Margarita comprend assez vite qu'il n'est pas possible d'y être salarié et de se préserver le mode de vie auquel il est habitué. Il lui faudra donc se façonner sa petite activité indépendante. Et là, surprise: rien ne marche... La faute aux autochtones, qui ne sont intéressés par rien d'autre (ou si peu) qu'à leurs bonnes vieilles habitudes: à part vendre des empanadas, de la bière ou faire de la mécanique (et aux mêmes prix que les locaux, bien sûr), bonjour les rentrées de pognon...
Reste donc le tourisme, vu que le secteur, pour un expatrié, concerne les étrangers et leurs euros. Du coup, 95% des expatriés visent le même créneau, ce qui n'est pas idéal pour le business, faut bien l'avouer. Après, il y aura encore les démarches administratives, qui finiront de détruire le beau moral du jeune Franchouillard qui se voyait déjà vivre comme un pape dans les Caraïbes... Les mieux lotis, on l'a déjà dit, ce sont les rentiers, qui peuvent se passer une agréable retraite sans se prendre la tête avec le boulot.
Quant à la nécessité de parler le castillan, comme dit l'autre, faut pas se leurrer: ici, c'est pas autre chose que du margariteño, qu'ils causent, et vous aurez tôt fait de vous apercevoir que parler de l'espagnol pur beurre ne vous servira pas à grand chose. L'idéal, c'est d'apprendre sur le tas, à la manière autochtone. Il faut tout de même savoir que l'espagnol d'Amérique est déjà différent de celui d'Europe, d'une manière générale. Ensuite, en dehors des accents spécifiques, il y a les régionalismes propres à chaque pays latino, puis au sein même du Venezuela un Margariteño ne parle pas comme un Caraqueño de Caracas ou un Maracucho de Maracaïbo. Outre les spécialités locales, il y a encore les mots détournés de leur sens d'origine, les mots corrects mais pas utilisés dans le même contexte, les mots importés directement de l'anglais, ou déformés par l'anglais, puis les "blancs" du Scrabble, les mots passe-partout que les gens utilisent pour remplacer à peu près tout et qui rendent la conversation impossible pour un non initié, même hispanophone:
- Comotalavaïna, e la cuestión de la broma lita?
- Comono... cheverré. Seguro te aviso, todo normal
- Oké, perfecto, ablamo. Tchaopué
Notons que Ténécanéo voudra dire Tiene un escaneo?, par exemple, alors que atadehpého signifiera Atras del espejo. Après ça on ne prononce pas les "s", le débit verbal égale celui d'un supersonique atteint de la courante, le passé n'est presque jamais employé, etc. Bien du courage à celui qui parle le castillan...

Avis personnel:
Aucun. Laissons cela à d'autres. Pour une fois, on sera du même avis que les cuistres qui nous entourent: à chacun de se faire sa propre opinion. Simplement, cessons de planquer la merde au chat sous le tapis, les relents nauséabonds qui ne manqueront pas de venir titiller les narines des plus sensibles occasionnent généralement des réveils difficiles...

9 commentaires:

chris a dit…

Eh bien dis donc !!!
Si après cela y'a encore des candidats l'expatriation !!!

Anonyme a dit…

Ouais, mais ya quand même de quoi bien vivre à Margarita, avec bien de l'énergie et de la chance, on se fait son trou. Même si tout ça reste vrai, je témoigne.

alegria a dit…

¡¡¡¡Genial!!!!!! Chaque lettre est absolument vrai et certain. J'habite et je travaille ici depuis 15 añs et la seul maniere de "survivre" est se faire guider uniquement par le propre bon sens y ne pas faire confiance a personne, ( il ya des exceptions, mais il faut des annees pour les trouver, et ca peut etre deja trop tard )

chris a dit…

Salut irmgard
Si tout cela est vrai et certain... Excuses moi de te poser la question si directement, mais, pourquoi alors tu y restes depuis 15 ans ? D'autant plus que tu emplois le verbe "survivre" !!! Tu y survis !!! Tu n'y es donc pas heureux ? Ou alors tu n'as pas d'autre choix que d'y rester...Tu as l'impossibilité d'aller ailleurs...Dans ce cas je comprends. J'aurai bien aimé en savoir plus.

Anonyme a dit…

Si vous considérez le Vénézuela comme un pays de mrd je vous invite alors à retourner à votre "Douce France"... et ne revenez jamais!( ça sera pas plus mal)

En étant moi vénézuélienne je ne vous raconterai pas les galères et les misères que le "pays des droits de l’ homme" nous fait éprouver,pas la peine de tomber dans la polémique parce que sûrement vous devez suivre bien l’actualité en FRance, et à chaque fois on peut trouver des raisons légitimes de s’indigner, en France :

- La crise du service public et notamment la dégradation générale du système de santé, dont la canicule de 2003 qui a révélé l'inaction du gouvernement, d'hôpitaux en manque d'effectif, la hygiène douteuse (maladies nosocomiales ?), des bâtiments insalubres, des médecins spécialistes surbookés et j'en passe...

- En France, malheureusement à nos jours on ne peut pas trouver un travail décent. De jeunes diplômés master au chômage, de plus en plus de jeunes diplômés veulent partir à l’étranger pour avoir un bon job et un bon salaire.
80% de la population active française possède un emploi précaire.

- "Travailler plus pour gagner pareil"

-les classes moyennes éprouvent de plus en plus de difficultés à devenir propriétaire.

- Le probleme de la racaille, impossible de se promener en famille dans les grandes villes sans être inquiété outre mesure.

- Travailler comme une dingue pour payer des impots qui vont chez les assistés qui trafiquent de la drogue et brûlent des voitures...

- La vie chère, les bas salaires, les gens coincés, le temps gris...

Anonyme a dit…

Une femme enceinte perd son enfant après une erreur d'identité


Une femme de 28 ans, enceinte de quatre mois, a perdu son bébé dans un hôpital de Lille après avoir reçu des médicaments destinés à une autre patiente. Ils lui ont été donnés par une étudiante qui "s'est trompée de chambre et n'a pas demandé l'identité de la patiente".

Anonyme a dit…

Près de 32% des Français ont renoncé à des soins chez un médecin spécialiste à cause d'un délai d'attente jugé excessif,(sans compter le temps d'attente dans la salle d'attente qui est parfois de 2 h mini pour certains spécialistes pour montrer à quel point ils sont importants..) contre 23% chez un généraliste, selon un sondage Ipsos pour le Collectif interassociatif sur la santé (Ciss)

Anonyme a dit…

Pas un jour sans agression sur la partie nord du RER B. C’est le constat inquiétant de l’Unsa-Transports par la voix de son représentant, Laurent Gallois. « Depuis un mois, les conducteurs nous informent d’attaques de plus en plus violentes », sur cette ligne cogérée pour moitié par la RATP, pour l’autre par la SNCF.

El Margariteño a dit…

Entièrement d'accord, chère Anonyme. Il y a toujours moyen de voir de la merde en paille dans la poutre de son voisin. Et la France n'est de loin pas exempte de soucis de tous ordres.
Il en va tout de même autrement pour une donnée que vous occultez assez logiquement, étant autochtone d'origine (comme tous les autres, je subodore que vous passez 3 heures par jour à vociférer des Mi Pais, mi pais, que paraiso que mi pais...), c'est celle de la SURVIE... Vivre avec des emmerdes n'est pas SURVIVRE avec des emmerdes! En France, même sarkozienne, même chiraquienne, même bordéliene, il y a de l'eau et de l'électricité, du lait et de l'huile sur les étals des marchands. Tu vois la différence, Mamita? Et si tu la vois pas, ben pareil que pour moi, retourne dans ton Paradis bolivarien, tu y seras sans doute mieux lotie entre les apagones quotidiennes de luz et les poubelles que personne ne vient jamais ramasser...

Faut pas se tromper de cible, mi amor, je crache pas sur le Venezuela, je crache sur la connerie. Si celle-ci est vénézuélienne, alors je crache aussi sur elle, aussi bien que sur la frouze, la suisse et la ricaine. Dont acte.